- By: Maître Emilie CAMBOURNAC
- Loi ALUR
- 17/07/2015
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L’encadrement des loyers au regard de la loi ALUR
Mesure clé de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ou « loi ALUR »), l’encadrement des loyers voulu par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot a renforcé un peu plus la protection des locataires, au détriment des propriétaires.
I. La distinction entre « zones tendues » et « zones non tendues »
Le marché locatif peut être divisé en deux catégories :
- les zones dites « tendues », que l’article 6 de la loi du 24 mars 2014 définit comme « les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social »,
- les zones dites « non tendues », où le volume de la demande à la location est inférieur au volume des logements disponibles.
Si, dans les zones non tendues, la fixation du loyer est libre et ne pourra donner lieu à réévaluation par le bailleur qu’à condition que le loyer soit « manifestement sous évalué », dans les zones tendues, en revanche, un encadrement des loyers est nécessaire.
Dans de telles zones, si les loyers n’étaient pas encadrés, les bailleurs pourraient faire monter indéfiniment les prix et les locataires n’auraient d’autres choix que de s’aligner aux prix proposés.
II. L’encadrement des loyers dans les zones tendues
Pour favoriser l’accès au logement dans les zones où le marché locatif est particulièrement tendu, l’encadrement des loyers prévu par la loi ALUR du 24 mars 2014 définit par conséquent un loyer maximum que les baux d’habitation ne devront pas dépasser.
Ce montant, exprimé en euros par mètre carré, est arrêté par le préfet pour chaque catégorie de logement sur la base des données produites par un observatoire local des loyers agréé par la ministre.
Ainsi, chaque année, le préfet fixera, par catégorie de bien et par zone géographique :
- un loyer de référence correspondant au loyer médian des loyers constatés par l’observatoire des loyers local,
- un loyer de référence majoré : celui-ci ne pourra être fixé à un montant supérieur de 20% du loyer de référence,
- un loyer de référence minoré : il ne pourra être fixé à un montant inférieur de 30% au montant du loyer de référence.
Si le loyer ainsi fixé dépasse le loyer de référence majoré, il pourra faire l’objet d’une action en diminution du loyer de la part du locataire. Une telle action ne sera possible que si le loyer de base est supérieur au loyer de référence majoré. Étrangement, aucun seuil minimal à la fixation de ce loyer diminué n’a été fixé.
Le locataire doit solliciter la diminution du loyer dans un délai de 5 mois avant le terme du bail en cours. Le bailleur n’a pas totalement été mis de côté par la loi ALUR puisque le législateur lui offre la possibilité de faire réévaluer son loyer, sous certaines conditions et limites. Pour pouvoir solliciter la réévaluation du loyer, encore faut-il que le bailleur puisse justifier de ce que le loyer actuel est inférieur au loyer de référence minoré.
Par ailleurs, la hausse applicable ne peut excéder la moitié de la différence entre :
- le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables,
- et le dernier loyer appliqué au précédent locataire, éventuellement révisé.
Pour se faire une idée de la hausse de loyer que l’on peut, en tant que bailleur, appliquer à son locataire, encore faut-il se pencher sur la notion du loyer habituellement constaté dans le voisinage.
Dans un litige dans lequel le propriétaire d’un appartement à usage mixte professionnel et d’habitation avait, pour réévaluer le prix du loyer qu’il proposait à son locataire, utilisé des références issues de ses autres propriétés, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a considéré qu’il n’importait pas que les références utilisées par le bailleur concernent des appartements lui appartenant (Cass. civ. 3ème, 17 décembre 2014, n°13.24.360).
Ainsi, il faut conclure de cette jurisprudence que les loyers de référence doivent être représentatifs de l’ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage et ce, peu importe si les logements de référence appartiennent au bailleur lui-même. Concernant le délai pour solliciter la réévaluation de son loyer, le propriétaire est moins bien loti que le preneur puisqu’il doit proposer le nouveau loyer dans un délai minimal de six mois avant le terme du bail en cours (on rappellera que le preneur doit respecter un délai minimal de cinq mois).
En cas de désaccord entre les parties sur ce réajustement, il est prévu une procédure amiable de règlement du litige devant de la commission départementale de conciliation. Et c’est seulement en cas d’échec de la procédure de conciliation qu’il sera possible de saisir le juge.
III. Les exceptions au principe d’encadrement des loyers en « zone tendue »
L’article 17-II b de la loi ALUR prévoit pour le bailleur la possibilité d’appliquer un complément de loyer au loyer initial.
Ce complément de loyer ne concernera que les logements présentant des qualités particulières de localisation ou de confort par rapport aux logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique (appartement doté d’une grande terrasse, hauteur sous plafond exceptionnelle, etc).
Le locataire qui ne serait pas d’accord avec le loyer complémentaire disposera d’un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la commission départementale de conciliation et, si la conciliation échoue, il aura à nouveau trois mois à compter de la réception de l’avis de la commission pour saisir le juge d’une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer.
Le montant du complément de loyer qui sera alors déterminé par conciliation ou par voie judiciaire rétroagira à la date d’effet du bail.
Le texte, voté en mars 2014, avait initialement vocation à s’appliquer dans 28 agglomérations (Ajaccio, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch/Arcachon, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon et Toulouse).
L’encadrement des loyers ne s’appliquera finalement qu’à Paris, et « à titre expérimental », à compter du 1er août 2015.
Les plafonds de loyers seront fixés par un arrêté du préfet en se basant sur les loyers médians constatés par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne.
La publication de l’arrêté ne bouleversera pas les contrats en cours d’exécution qui continueront avec le loyer prévu initialement. Les plafonds de loyer ne l’appliqueront qu’aux contrats signés après l’entrée en vigueur de l’arrêté, à l’exclusion de tous les contrats signés avant son entrée en vigueur (contrats reconduits et renouvelés compris).
Avocat Expert en Droit Immobilier
Le Cabinet d'Avocat Emilie CAMBOURNAC situé à Bordeaux conseille et défend les intérêts de ses clients en matière de Droit Immobilier.